En juin 2025, la France s’apprête à franchir un pas historique : reconnaître officiellement un État palestinien. Une décision qui, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, marque une nouvelle étape dans une diplomatie française complexe, oscillant depuis des décennies entre soutien à la sécurité d’Israël et défense des droits palestiniens. Comment en est-on arrivé là ? Ce récit explore l’évolution de la position française, de Charles de Gaulle à aujourd’hui, à travers les méandres d’un conflit qui continue de diviser le monde.
Une Diplomatie Équilibrée à l’Épreuve du Temps
La question palestinienne n’a jamais été un simple dossier diplomatique pour la France. Depuis la création d’Israël en 1948, Paris a cherché à maintenir un équilibre délicat, soutenant à la fois la légitimité d’un État juif et le droit des Palestiniens à l’autodétermination. Cette position, souvent qualifiée de politique d’équilibre, s’est façonnée au gré des présidents, des crises internationales et des bouleversements au Moyen-Orient. Mais comment chaque leader a-t-il influencé cette trajectoire ?
Charles de Gaulle : Une Rupture Fondatrice
En 1967, la guerre des Six Jours change la donne. Charles de Gaulle, alors président, surprend le monde en condamnant l’offensive israélienne. Lors d’une conférence de presse restée célèbre, il qualifie Israël de « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur », une formule qui provoque un tollé. Cette prise de position marque une rupture : la France, jusque-là proche alliée d’Israël, amorce un virage vers une diplomatie plus favorable aux aspirations arabes.
De Gaulle impose un embargo sur les ventes d’armes à Israël, une décision qui contraste avec le soutien militaire apporté dans les années 1950. Ce choix, motivé par une volonté de réaffirmer l’indépendance française face aux États-Unis, redessine les contours de la politique française au Moyen-Orient. La France devient alors un acteur clé dans la recherche d’une solution pacifique, prônant un règlement négocié du conflit.
« La France ne peut pas approuver une guerre d’expansion. »
Charles de Gaulle, 1967
Georges Pompidou : La Continuité Gaulliste
Sous Georges Pompidou, la France reste fidèle à la ligne tracée par de Gaulle. Le président maintient une posture de neutralité, renforçant les relations avec les pays arabes tout en préservant des liens diplomatiques avec Israël. Cette période, marquée par la guerre du Kippour en 1973, voit la France défendre l’idée d’un dialogue international pour résoudre le conflit.
Pompidou s’appuie sur l’Organisation des Nations unies (ONU) pour promouvoir une solution basée sur la résolution 242, qui exige le retrait israélien des territoires occupés. Cette approche, bien que prudente, ancre la France dans une position de médiateur, cherchant à éviter une polarisation excessive.
Valéry Giscard d’Estaing : Vers une Reconnaissance Progressive
Avec Valéry Giscard d’Estaing, la France franchit une nouvelle étape. En 1974, il devient le premier président à accueillir Yasser Arafat, leader de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), à Paris. Ce geste, audacieux pour l’époque, marque une reconnaissance implicite de la cause palestinienne.
Giscard soutient également la déclaration de Venise en 1980, portée par la Communauté économique européenne, qui appelle à la reconnaissance du droit des Palestiniens à l’autodétermination. Ce positionnement, bien que critiqué par certains alliés occidentaux, reflète une volonté de faire avancer le processus de paix.
Repère clé : La déclaration de Venise, adoptée en 1980, marque un tournant dans la reconnaissance européenne des droits palestiniens.
François Mitterrand : Une Volonté Affirmée
François Mitterrand, premier président socialiste de la Ve République, va plus loin. En 1982, lors d’un discours à la Knesset, il devient le premier chef d’État français à évoquer explicitement la possibilité d’un État palestinien. Ce moment, chargé de symbole, traduit une ambition : concilier le soutien à Israël avec une reconnaissance des aspirations palestiniennes.
Mitterrand multiplie les initiatives diplomatiques, notamment en soutenant les accords de Camp David et en renforçant les relations avec l’OLP. Cependant, sa prudence face aux tensions régionales limite l’impact de ses déclarations. La France reste dans une posture d’équilibre, évitant une reconnaissance formelle.
Jacques Chirac : Le Tournant Pro-Palestinien
Jacques Chirac marque un virage décisif. En 1996, lors d’une visite à Jérusalem, il s’illustre par un geste fort : s’opposer publiquement à la sécurité israélienne qui entrave sa visite dans la vieille ville. Ce moment, où il déclare « I want to go through! », devient emblématique de son engagement envers les Palestiniens.
Chirac renforce les relations avec l’Autorité palestinienne, soutient les accords d’Oslo et appelle à une solution à deux États. Sa diplomatie, empreinte d’humanisme, fait de lui une figure respectée dans le monde arabe, bien que critiquée par certains en Israël.
« La paix exige le respect mutuel et la reconnaissance des droits de chacun. »
Jacques Chirac, 1996
Nicolas Sarkozy : Un Rapprochement avec Israël
Avec Nicolas Sarkozy, la France opère un retour vers une proximité avec Israël. En 2008, lors d’un discours à la Knesset, il réaffirme l’amitié franco-israélienne, tout en plaidant pour la création d’un État palestinien. Ce double discours, visant à rassurer les deux parties, reflète une volonté de pragmatisme.
Sarkozy soutient l’admission de la Palestine comme État observateur à l’ONU en 2012, une étape symbolique. Cependant, il insiste sur la nécessité de négociations directes, évitant une reconnaissance unilatérale qui pourrait froisser Israël.
François Hollande : La Prudence Diplomatique
François Hollande adopte une approche mesurée. Conscient des tensions croissantes dans la région, il privilégie la diplomatie discrète. En 2016, il lance une initiative internationale pour relancer les négociations de paix, mais celle-ci échoue face à l’intransigeance des parties.
Hollande soutient les résolutions de l’ONU condamnant la colonisation israélienne, mais s’abstient de franchir le pas de la reconnaissance formelle. Cette prudence, souvent critiquée comme un manque d’audace, reflète les contraintes d’une diplomatie française soucieuse de ne pas s’aliéner ses alliés.
Président | Période | Position clé |
---|---|---|
Charles de Gaulle | 1958-1969 | Condamnation de l’expansion israélienne |
François Mitterrand | 1981-1995 | Première mention d’un État palestinien |
Jacques Chirac | 1995-2007 | Soutien marqué à la cause palestinienne |
Emmanuel Macron : Un Pas Décisif
Emmanuel Macron, en annonçant en 2025 la reconnaissance d’un État palestinien, s’inscrit dans une démarche inédite. Lors d’un déplacement en Égypte, il a déclaré vouloir « finaliser un mouvement de reconnaissance réciproque », prévu pour juin 2025 à New York, en collaboration avec l’Arabie saoudite. Cette initiative s’inscrit dans une volonté de relancer une dynamique de paix.
Macron insiste sur une approche collective, où la reconnaissance de la Palestine par la France inciterait d’autres pays à reconnaître Israël. Cette stratégie, ambitieuse, vise à dépasser les blocages historiques du conflit. Mais elle suscite aussi des débats : est-elle réaliste dans un contexte de tensions accrues ?
Les Enjeux d’une Reconnaissance Historique
La décision de Macron soulève des questions cruciales. D’abord, elle pourrait redéfinir les relations franco-israéliennes, déjà marquées par des frictions. Ensuite, elle risque de diviser l’opinion publique française, partagée entre soutien à la cause palestinienne et défense de la sécurité d’Israël.
Pour mieux comprendre les implications, voici les principaux enjeux :
- Impact diplomatique : Une reconnaissance pourrait renforcer la position de la France comme médiateur au Moyen-Orient.
- Réactions internationales : Certains alliés, comme les États-Unis, pourraient critiquer cette initiative unilatérale.
- Conséquences régionales : Une reconnaissance pourrait encourager d’autres pays à suivre, mais aussi exacerber les tensions avec Israël.
Un Équilibre Toujours Fragile
De De Gaulle à Macron, la France a parcouru un long chemin dans sa politique vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. Chaque président a apporté sa pierre à l’édifice, oscillant entre audace et prudence. La reconnaissance d’un État palestinien, si elle se concrétise, pourrait marquer un tournant majeur, mais elle ne résoudra pas à elle seule un conflit ancré dans des décennies de tensions.
Quels seront les prochains pas de la France ? Macron parviendra-t-il à transformer cette initiative en un levier pour la paix ? L’avenir le dira, mais une chose est sûre : la diplomatie française reste fidèle à son ambition de jouer un rôle central sur la scène internationale.