Culture

Mort d’Angelo Rinaldi : Un Critique à la Plume Acérée

Angelo Rinaldi, critique littéraire légendaire, est mort à 84 ans. Sa plume acérée a marqué la littérature. Quel était son secret pour bousculer les gloires établies ?

Qui aurait cru qu’un enfant de Bastia, né dans la solitude d’une île méditerranéenne, deviendrait l’une des plumes les plus redoutées du monde littéraire parisien ? Angelo Rinaldi, décédé le 7 mai 2025 à l’âge de 84 ans, a marqué son époque par une critique littéraire sans compromis et une passion indéfectible pour les mots. Cet académicien, romancier et journaliste a su transformer sa mélancolie en une arme affûtée, capable de déconstruire les fausses gloires tout en célébrant les talents méconnus. Son parcours, entre la Corse de son enfance et les cénacles parisiens, est une ode à la littérature comme refuge et comme combat.

Un Parcours Forgé par la Solitude et les Mots

Angelo Rinaldi naît le 17 juin 1940 à Bastia, dans une famille marquée par l’absence d’un père italien et les responsabilités d’une mère commerçante. Dès son plus jeune âge, il trouve dans la lecture une échappatoire à la solitude. Les grands auteurs italiens, comme Ungaretti ou Calvino, deviennent ses compagnons, lus dans leur langue originelle dès ses 15 ans. Cette passion précoce pour les mots le guide vers une carrière où la plume devient son arme.

Après avoir quitté la Corse, Rinaldi s’installe à Nice, où il débute comme chroniqueur judiciaire. Ce premier contact avec le journalisme révèle son talent pour l’écriture incisive. Mais c’est dans la critique littéraire qu’il trouve sa véritable vocation, publiant dans des revues prestigieuses dès les années 70. Son style, à la fois acerbe et éloquent, séduit les lecteurs et terrifie les écrivains qu’il juge surévalués.

Une Plume qui Ne Laisse Personne Indifférent

Rinaldi n’a jamais eu peur de s’attaquer aux géants de la littérature. Dans les colonnes de magazines renommés, il fustige des figures comme Simenon, Duras ou Robbe-Grillet avec une ironie mordante. À propos du chef de file du Nouveau Roman, il écrit avec une verve cinglante :

« Robbe-Grillet, ancien ingénieur agricole, a inventé ce qui existait déjà : le Nouveau Roman, offrant à l’université une théorie dont elle raffole. »

Ce genre de formules, à la fois savoureuses et cruelles, fait de Rinaldi le critique le plus craint de son époque. Il refuse les compromis et les mondanités, préférant la vérité de son jugement à la facilité d’une carrière lisse. « J’ai toujours écrit ce que je pensais », confiait-il récemment, ajoutant que vouloir plaire à tout prix équivaut à trahir son métier.

Ses critiques, souvent comparées au style flamboyant de Saint-Simon, mêlent érudition et causticité. Elles capturent l’essence d’une époque où la littérature était encore un champ de bataille intellectuel.

Un Défenseur des Oubliés

Si Rinaldi était connu pour ses attaques, il l’était tout autant pour sa capacité à mettre en lumière des auteurs méconnus. Des écrivains comme Jean Rhys ou Italo Svevo, ainsi que des poètes tels que François Augiéras, ont bénéficié de son soutien fervent. Son regard, affranchi des modes, savait reconnaître le talent là où d’autres ne voyaient que l’ombre.

Dans ses chroniques, il célèbre la littérature comme un art intemporel, loin des querelles idéologiques. Ses articles sur Bernanos ou Aragon témoignent d’une approche dénuée de préjugés politiques, où seule la qualité de l’œuvre compte. Cette indépendance d’esprit lui vaut autant d’admirateurs que d’ennemis dans un milieu parisien souvent dominé par les coteries.

Un Romancier Hanté par l’Échec et la Nostalgie

En parallèle de sa carrière de critique, Rinaldi s’illustre comme romancier. Ses œuvres, bien que moins célébrées que ses chroniques, portent la marque d’un style somptueux et d’une sensibilité à fleur de peau. Son premier roman, La Maison des Atlantes, remporte le Prix Femina en 1971, un succès qui marque le début d’une carrière d’auteur prolifique.

Ses romans, souvent imprégnés de la Corse de son enfance, explorent des thèmes universels : la solitude, l’impossible maturité, la menace de la vieillesse. Dans des œuvres comme Les Roses de Pline ou Torrent, il dépeint des personnages en proie à des destins inachevés, où la beauté de la langue ne parvient pas toujours à masquer une certaine désillusion.

  • La Maison des Atlantes (1971) : Une plongée onirique dans la Corse de son enfance.
  • Les Roses de Pline (1987) : Une méditation sur la perte et la mémoire.
  • Torrent (2016) : Une fresque mélancolique sur la vieillesse et l’échec.

Un Académicien aux Valeurs Inflexibles

Élu à l’Académie française en 2001, Rinaldi y apporte son exigence et son refus des compromis. Adversaire farouche de l’écriture inclusive, il défend la langue française comme un trésor national, convaincu qu’elle reste le socle de la littérature française. Son admiration pour Hélène Carrère d’Encausse, dont la mort l’a profondément affecté, témoigne de son attachement à une certaine idée de la culture.

Rinaldi n’a jamais cédé aux sirènes des idéologies. Bien que marqué à gauche, il critique avec la même verve les dérives du maoïsme ou les excès de Mai 68, tout en vouant une admiration au Général de Gaulle. Cette liberté de ton, rare dans un milieu souvent polarisé, fait de lui une figure à part.

« La langue française a fait la France, et aujourd’hui encore, les écrivains y conservent un statut privilégié. »

Un Regard Critique sur le Journalisme Parisien

Le journalisme, qu’il a pratiqué avec brio, est aussi un thème central de son œuvre romanesque. Rinaldi dépeint ce milieu avec une lucidité cruelle, mettant en lumière sa futilité et ses rivalités mesquines. Ayant gravi les échelons malgré les obstacles de son époque, notamment son homosexualité alors taboue, il transforme ses expériences en récits universels sur l’ambition et la solitude.

Ses chroniques, réunies dans des recueils comme Service de presse (1999), restent des modèles du genre. Préfacé par son ami Jean-François Revel, ce livre capture l’essence d’un critique qui, selon ses propres mots, place la mélancolie au service de la littérature. « Le seul sentiment qui pense », disait-il, révélant ainsi la profondeur de sa démarche.

Un Héritage Littéraire Inégalé

Angelo Rinaldi laisse derrière lui une œuvre riche et complexe, marquée par une tension entre l’éclat de ses critiques et la mélancolie de ses romans. Ses chroniques, véritables joyaux de style, continuent d’inspirer les amateurs de littérature. Ses romans, bien que parfois critiqués pour leur pessimisme, témoignent d’une sensibilité rare et d’une langue d’une beauté saisissante.

Que retenir de cet homme qui a su, malgré les obstacles, s’imposer comme une voix incontournable ? Voici quelques points clés de son héritage :

  1. Une plume sans concession : Ses critiques, à la fois cruelles et brillantes, ont redéfini les standards de la critique littéraire.
  2. Un amour de la langue : Rinaldi a défendu la langue française comme un rempart contre la médiocrité.
  3. Une vision universelle : Ses romans explorent des thèmes intemporels, de la solitude à la quête d’identité.

Contrairement à certains de ses contemporains, comme Philippe Roth, qui prédisait la fin de la littérature, Rinaldi croyait en sa pérennité. « Malgré tout, la littérature française reste inégalée », affirmait-il, convaincu que les mots continueraient de façonner les esprits.

Pourquoi Rinaldi Fascine-t-il Encore ?

La fascination pour Angelo Rinaldi réside dans sa capacité à allier rigueur intellectuelle et sensibilité poétique. Sa plume, à la fois arme et refuge, incarne une époque où la littérature était un enjeu majeur. Dans un monde dominé par les écrans, comme le suggère un commentateur anonyme en 2025, qui lie la mort de la littérature à l’avènement de l’iPhone en 2007, Rinaldi rappelle que les mots ont encore du pouvoir.

Son refus des compromis, son amour pour les auteurs oubliés, et sa défense acharnée de la langue française font de lui une figure intemporelle. Ses critiques, souvent comparées à des joutes verbales, continuent de résonner, tandis que ses romans invitent à une réflexion profonde sur l’existence.

Que vous soyez passionné de littérature ou simple curieux, plongez dans l’univers de Rinaldi. Ses œuvres, entre éclats de rire et mélancolie, sont une invitation à redécouvrir le pouvoir des mots.

En définitive, Angelo Rinaldi n’était pas seulement un critique ou un romancier : il était un amoureux des lettres, un homme qui a transformé sa solitude en une quête de vérité. Son décès marque la fin d’une époque, mais son héritage, lui, reste bien vivant. Et si la littérature française, comme il le croyait, demeure inégalée, c’est en partie grâce à des figures comme lui, qui ont su la défendre avec passion et panache.

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