Malgré ses 102 ans, Albert Corrieri n’a rien oublié des 18 mois d’enfer qu’il a vécus en 1943 à Ludwigshafen, en Allemagne. Déporté dans le cadre du Service du Travail Obligatoire (STO) mis en place par le régime de Vichy, il a été contraint de travailler dans des conditions inhumaines pour l’effort de guerre nazi. Des décennies plus tard, cet habitant de Marseille se bat toujours pour obtenir la reconnaissance de l’État français et une juste réparation.
Une mémoire intacte malgré les années
Si le corps d’Albert Corrieri porte les stigmates du temps qui passe, sa mémoire reste vive. Les terribles bombardements des alliés sur Ludwigshafen l’ont particulièrement marqué :
Quand vous avez des bombardiers sur la tête, vous êtes comme un rat : vous ne savez plus où aller, vous êtes perdus et démoralisés.
Albert Corrieri, ancien déporté du STO
Malgré les épreuves subies, le jeune homme de l’époque a su puiser en lui les ressources pour survivre et rentrer au pays. Mais le combat était loin d’être terminé.
Un long parcours du combattant
Dès 1957, Albert Corrieri a cherché à faire valoir ses droits en tant que déporté du travail. Mais il s’est heurté à un vide juridique, son cas n’étant pas reconnu. Il aura fallu l’engagement d’un avocat et d’un historien dans les années 2020 pour que les choses bougent enfin.
Ensemble, ils ont monté un dossier pour prouver que le préjudice subi relevait bien d’un crime contre l’humanité et demander réparation. Une indemnisation de 43 200 euros a ainsi été réclamée à l’État, sur la base d’un calcul de 10 euros de l’heure pour son travail forcé.
Devoir de mémoire et de réparation
Au-delà de son cas personnel, Albert Corrieri veut se battre pour la mémoire des 400 000 travailleurs du STO contraints de partir pour l’Allemagne nazie. Seuls 4 d’entre eux seraient encore en vie aujourd’hui en France pour témoigner de cette sombre page de l’histoire.
La reconnaissance de ce statut et l’indemnisation qui pourrait en découler soulèvent donc d’importantes questions. Quel est le devoir de réparation de l’État français vis-à-vis de ces victimes? Comment honorer leur mémoire et transmettre leur vécu aux nouvelles générations ?
En attendant la réponse du ministère des Armées, Albert Corrieri reste déterminé. “J’irai jusqu’au bout, jusqu’à ma mort. Je ne veux pas lâcher, car je n’ai pas demandé à partir”, martèle le centenaire. Un combat pour la dignité et contre l’oubli, 80 ans après les faits.