Imaginez une jeune femme, partagée entre ses racines, sa foi et une attirance qu’elle ne peut ignorer. Dans une banlieue française, elle découvre peu à peu qui elle est, bravant les conventions pour embrasser sa vérité. C’est l’histoire que raconte La Petite Dernière, le troisième long-métrage d’Hafsia Herzi, récompensé par la prestigieuse Queer Palm lors du Festival de Cannes 2025. Ce film, porté par une sensibilité rare, a captivé les spectateurs et le jury par sa justesse et son audace. Plongeons dans cette œuvre qui redéfinit les contours du cinéma contemporain.
Un Récit d’Émancipation au Cœur de Cannes
Le Festival de Cannes, événement phare du cinéma mondial, est bien plus qu’un tapis rouge et des flashs de photographes. C’est un lieu où les histoires prennent vie, où des voix nouvelles trouvent un écho. En 2025, Hafsia Herzi, déjà connue comme actrice et réalisatrice, a marqué les esprits avec La Petite Dernière. Ce film, en compétition officielle, explore l’éveil d’une jeune femme à travers un prisme rarement abordé : celui d’une héroïne musulmane et homosexuelle évoluant dans un milieu modeste. La Queer Palm, distinction récompensant les œuvres LGBTQ+, a couronné ce projet audacieux, célébrant sa capacité à briser les tabous avec élégance.
Une Adaptation Sensible du Roman de Fatima Daas
La Petite Dernière s’inspire librement du roman éponyme de Fatima Daas, publié en 2020. Ce livre, empreint d’une forte dimension autobiographique, dépeint le parcours d’une jeune femme confrontée à des tensions intérieures : sa foi musulmane, son identité queer et son environnement social. Hafsia Herzi, en tant que réalisatrice, a su transposer cette complexité à l’écran avec une délicatesse remarquable. Le film suit Fatima, 17 ans, interprétée par l’éblouissante Nadia Melliti, une actrice non professionnelle dont la présence androgyne illumine chaque scène.
Le récit se déroule sur une année, capturant les premiers émois amoureux de Fatima, ses questionnements spirituels et son entrée à l’université. Herzi filme ces moments avec une caméra intimiste, alternant entre instants de pudeur et scènes vibrantes de fêtes où les corps s’entrelacent. Cette approche donne au film une authenticité qui résonne auprès du public, tout en mettant en lumière des réalités peu représentées dans le cinéma français.
J’avais envie de montrer qu’il n’y a pas de frontière en amitié, en amour. C’est la vie.
Hafsia Herzi
Nadia Melliti, une Révélation à l’Écran
Au cœur de La Petite Dernière, Nadia Melliti incarne Fatima avec une intensité saisissante. À 23 ans, cette actrice non professionnelle apporte une fraîcheur et une vérité qui transcendent le scénario. Sa silhouette androgyne et son regard perçant captent l’essence d’une jeune femme en quête d’elle-même. Herzi a fait un choix audacieux en confiant le rôle principal à une novice, un pari qui s’avère payant. La performance de Melliti, à la fois fragile et puissante, est l’un des piliers du succès du film.
Le casting, mêlant acteurs amateurs et professionnels, reflète l’engagement de la réalisatrice à représenter la diversité des parcours. Les interactions entre les personnages, qu’il s’agisse d’amitiés ou de romances, sont dépeintes avec une authenticité qui évite les clichés. Ce choix narratif renforce le message du film : l’amour et l’amitié transcendent les classes sociales et les origines.
La Queer Palm : Une Récompense au Service de la Diversité
Depuis sa création en 2010, la Queer Palm s’est imposée comme un prix incontournable à Cannes, célébrant les films qui explorent les thématiques LGBTQ+, féministes ou questionnent les normes de genre. Présidé en 2025 par le cinéaste Christophe Honoré, le jury a dû départager 16 longs-métrages, toutes sections confondues. Le choix de La Petite Dernière salue non seulement la qualité artistique du film, mais aussi son courage à aborder des sujets sensibles dans un contexte socioculturel complexe.
Ce prix met en lumière une réalité souvent occultée : l’homosexualité féminine dans des communautés où la religion et les traditions jouent un rôle central. Herzi, en réalisatrice avertie, ne juge pas, mais observe. Elle filme l’intériorité de son héroïne avec une tendresse qui évite tout sensationnalisme, offrant ainsi une œuvre universelle.
Pourquoi ce film résonne-t-il autant ? Parce qu’il parle d’une quête d’identité qui transcende les frontières culturelles et sociales, tout en restant ancré dans une réalité contemporaine.
Un Regard Nouveau sur l’Homosexualité Féminine
Si le cinéma a souvent exploré les thématiques queer, l’homosexualité féminine reste sous-représentée, particulièrement dans des contextes non occidentaux ou issus de milieux populaires. La Petite Dernière comble ce vide avec une approche nuancée. Le film ne se contente pas de raconter une histoire d’amour ; il explore les tensions entre désir, foi et appartenance communautaire. Fatima, tiraillée entre ses sentiments et ses convictions, incarne un dilemme universel : comment être soi dans un monde qui impose des normes ?
Herzi excelle à capturer ces moments de bascule, où un regard ou un geste suffit à exprimer l’indicible. Les scènes de fêtes, où Fatima découvre un monde plus libre, contrastent avec les moments de recueillement, où elle questionne sa foi. Ce va-et-vient crée une tension dramatique qui maintient le spectateur en haleine.
Une Mise en Scène Intime et Universelle
La réalisation d’Hafsia Herzi se distingue par sa capacité à mêler intimité et universalité. Les plans serrés sur le visage de Fatima, les jeux de lumière dans les scènes nocturnes, et la bande-son vibrante contribuent à une immersion totale. Le film alterne entre des moments contemplatifs et des séquences dynamiques, comme ces fêtes où la jeunesse s’exprime sans retenue. Cette dualité reflète le tiraillement intérieur de l’héroïne, partagée entre retenue et désir de liberté.
Le choix de tourner dans des décors authentiques, loin des studios, ancre le film dans une réalité palpable. Les banlieues françaises, souvent caricaturées, sont ici filmées avec respect et nuance, loin des stéréotypes. Ce réalisme, combiné à une direction d’acteurs irréprochable, donne au film une force rare.
Cannes 2025 : Une Édition Contrastée
La 78e édition du Festival de Cannes a été marquée par des films audacieux, mais aussi par des controverses et des déceptions. Malgré un palmarès attendu avec impatience, sous la présidence de Juliette Binoche, La Petite Dernière s’est imposée comme une œuvre fédératrice. Le film a su se démarquer dans une sélection compétitive, où des réalisateurs confirmés côtoyaient de nouveaux talents. La Queer Palm, bien que considérée comme un prix « alternatif », a gagné en visibilité ces dernières années, devenant un symbole de diversité et d’inclusion.
Le succès de Herzi s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’un cinéma français qui s’ouvre à des récits pluriels. En mettant en avant des héroïnes issues de milieux marginalisés, le film participe à une redéfinition des canons cinématographiques, où la diversité n’est plus une exception, mais une richesse.
Aspect du film | Points forts |
---|---|
Réalisation | Approche intimiste, alternance de tons, authenticité des décors |
Casting | Performance de Nadia Melliti, mélange d’acteurs amateurs et professionnels |
Thématique | Exploration de l’homosexualité féminine et de l’identité culturelle |
Hafsia Herzi : Une Artiste aux Multiples Facettes
Hafsia Herzi n’est pas une nouvelle venue dans le monde du cinéma. Révélée comme actrice dans La Graine et le Mulet, elle s’est imposée comme une réalisatrice audacieuse avec ses précédents films. La Petite Dernière marque une étape importante dans sa carrière, confirmant son talent pour raconter des histoires ancrées dans des réalités sociales complexes. Son regard, à la fois empathique et sans concession, fait d’elle une voix essentielle du cinéma français.
Son choix de s’attaquer à des thématiques rarement explorées, comme l’intersection entre foi, identité sexuelle et classe sociale, témoigne de son courage artistique. En tant que femme issue d’un milieu populaire, Herzi apporte une perspective unique, loin des récits formatés des grandes productions.
Pourquoi ce Film Compte
La Petite Dernière n’est pas seulement un film sur l’émancipation sexuelle. C’est une réflexion sur la liberté, l’identité et la possibilité de concilier des mondes apparemment opposés. En abordant ces questions avec finesse, Herzi offre un miroir à une société en mutation, où les identités plurielles cherchent leur place. Le film, par sa capacité à émouvoir et à provoquer la réflexion, s’inscrit dans une vague de cinéma engagé qui ne sacrifie jamais l’esthétique à son message.
Quelques raisons pour lesquelles ce film marque les esprits :
- Une héroïne complexe : Fatima, partagée entre foi et désir, incarne une quête universelle d’authenticité.
- Un regard inclusif : Le film célèbre la diversité des parcours et des amours.
- Une mise en scène audacieuse : Herzi mêle intimité et énergie, offrant une expérience visuelle unique.
- Une voix nouvelle : Nadia Melliti, par sa performance, annonce l’émergence d’un talent brut.
Vers un Cinéma Plus Divers
Le triomphe de La Petite Dernière à Cannes s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’un cinéma qui donne la parole aux marges. Les récits queer, portés par des réalisateurs issus de la diversité, gagnent en visibilité, bousculant les conventions d’un cinéma longtemps dominé par des perspectives homogènes. Ce film, par sa sincérité et sa puissance, rappelle que le cinéma est avant tout un art de l’empathie, capable de rapprocher les spectateurs de réalités qu’ils ne connaissent pas.
En récompensant Hafsia Herzi, la Queer Palm 2025 ne célèbre pas seulement un film, mais une vision : celle d’un monde où chacun peut trouver sa place, quels que soient son origine, sa foi ou ses désirs. La Petite Dernière est une invitation à regarder l’autre avec curiosité et bienveillance, une mission que le cinéma, dans ses plus beaux moments, accomplit avec brio.
Un film à voir absolument : La Petite Dernière redéfinit les frontières de l’amour et de l’identité.