Imaginez un samedi matin dans un petit village français. Le clocher sonne onze heures, et devant la mairie, un groupe de chasseurs, vestes kaki et fusils rangés, dépose un document solennel. Ce n’est pas une simple pétition, mais un manifeste vibrant, un cri du cœur pour défendre une pratique ancrée dans la ruralité. Ce 17 mai 2025, les chasseurs de France se mobilisent pour faire entendre leur voix, lassés des critiques et des restrictions qui pèsent sur leur mode de vie. Pourquoi cette colère ? Quelles sont leurs demandes ? Plongeons dans ce mouvement qui mêle tradition, écologie et politique.
Un manifeste pour redorer l’image de la chasse
La chasse, souvent perçue comme un loisir d’un autre temps, est au cœur d’un débat passionné. D’un côté, les défenseurs des animaux et certains décideurs politiques pointent du doigt ses impacts environnementaux et les accidents qu’elle peut engendrer. De l’autre, les chasseurs revendiquent une pratique essentielle à la gestion des écosystèmes et à la préservation des traditions rurales. Ce samedi, à travers tout le pays, ils se sont donné rendez-vous devant les mairies pour remettre un manifeste inédit, porté par leur fédération nationale. Ce document ne se contente pas de défendre leur passion : il propose une vision ambitieuse pour l’avenir de la chasse en France.
Une reconnaissance d’intérêt général
La revendication phare de ce manifeste est claire : la chasse doit être reconnue comme une activité d’intérêt général. Pour les chasseurs, il ne s’agit pas seulement de défendre un loisir, mais de mettre en lumière leur rôle dans la société. Ils estiment que leurs actions contribuent à la préservation de la biodiversité, à la régulation des populations de gibier et à l’entretien des espaces naturels. Par exemple, la chasse au gibier d’eau, souvent décriée, serait un levier pour protéger les zones humides, des écosystèmes cruciaux menacés par l’urbanisation.
« La chasse, c’est bien plus qu’un loisir. C’est un engagement pour la nature et la ruralité. »
Un responsable départemental de la fédération des chasseurs
Pour appuyer cette demande, les chasseurs ambitionnent une reconnaissance internationale. Ils souhaitent que la chasse française soit inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco, à l’image d’autres pratiques culturelles comme le repas gastronomique français. Cette démarche symbolique vise à ancrer la chasse dans l’identité culturelle du pays, tout en la protégeant des critiques et des restrictions croissantes.
Des critiques venues de toutes parts
Pourquoi un tel mouvement maintenant ? Les chasseurs se disent « attaqués » sur plusieurs fronts. À Bruxelles, des réglementations européennes, perçues comme déconnectées des réalités locales, imposent des restrictions sur les munitions au plomb, accusées de polluer les sols et les cours d’eau. En France, des associations écologistes militent pour des interdictions de chasse le week-end ou pendant les vacances, arguant du risque pour les promeneurs. Ces critiques, souvent médiatisées, ternissent l’image d’une pratique que les chasseurs jugent mal comprise.
Les chiffres, pourtant, nuancent le débat. Selon l’Office français de la biodiversité, sur la saison 2023-2024, seuls 12 accidents de chasse ont impliqué des non-chasseurs, et aucun n’a été mortel au cours des deux dernières saisons. Ces données contrastent avec l’image d’une activité dangereuse véhiculée par certains. Les chasseurs, eux, insistent sur leurs efforts pour améliorer la sécurité, notamment via des formations obligatoires pour les nouveaux pratiquants.
Un lien fort avec les élus locaux
En s’adressant directement aux maires, les chasseurs jouent la carte de la proximité. Dans les départements ruraux, comme la Somme ou l’Oise, les fédérations locales ont déjà entamé des démarches pour distribuer leur manifeste à une majorité de communes. L’objectif est double : démontrer leur ancrage territorial et rallier les élus à leur cause. Pour beaucoup de maires, la chasse est un pilier de la vie rurale, un vecteur de lien social et d’entretien des paysages.
Exemple concret : Dans la Somme, une trentaine de mairies ont déjà reçu le manifeste avant même le jour J. L’objectif est d’atteindre 80 à 90 % des communes du département.
Ce dialogue avec les élus vise aussi à contrer l’influence des grandes métropoles, où la chasse est souvent perçue comme étrangère. En mobilisant les maires, les chasseurs espèrent construire un front uni pour défendre leurs intérêts face aux décisions nationales et européennes.
Des revendications multiples
Le manifeste ne se limite pas à la reconnaissance symbolique. Il dresse une liste de revendications concrètes, touchant à des enjeux environnementaux, économiques et culturels. Voici les principales demandes, résumées pour plus de clarté :
- Financement des dégâts de gibier : Les chasseurs souhaitent que l’État prenne en charge une partie des indemnisations versées aux agriculteurs pour les cultures endommagées par le grand gibier.
- Maintien des chasses traditionnelles : Ils s’opposent à l’interdiction de pratiques comme la chasse à la glu ou au filet, récemment annulées par la justice.
- Suppression des moratoires européens : Ils demandent plus de flexibilité dans les régulations sur les espèces chassables.
- Liberté de chasse : Ils défendent le droit de chasser le week-end et les jours fériés, malgré les appels à des restrictions.
- Police rurale : Les fédérations veulent participer à des missions de surveillance des campagnes pour protéger les territoires.
Ces demandes traduisent une volonté de peser dans les débats environnementaux et politiques. Les chasseurs ne veulent plus être relégués au rang de simples amateurs, mais être reconnus comme des acteurs clés de la gestion des espaces ruraux.
La chasse face aux défis écologiques
Le manifeste aborde également des enjeux écologiques brûlants. Les chasseurs se positionnent comme des gardiens de la biodiversité, notamment à travers leurs actions pour restaurer les haies, essentielles pour le petit gibier. Ils proposent la création d’un fonds dédié à ces aménagements, une idée qui pourrait séduire les défenseurs de l’environnement. Cependant, certaines de leurs positions, comme l’opposition à l’interdiction du plomb ou la réduction des populations de loups, suscitent des controverses.
Le débat sur les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD) est particulièrement révélateur. Ces animaux, comme le ragondin ou le corbeau freux, peuvent être chassés toute l’année en raison de leur impact sur les cultures ou les écosystèmes. Récemment, des espèces comme le putois ou la martre ont été retirées de cette liste, une décision que les chasseurs contestent. Ils estiment que ces régulations limitent leur capacité à protéger les équilibres naturels.
Un mouvement fédérateur ?
Avec plus de 5 millions de porteurs de permis, dont 1,1 million de pratiquants réguliers, la chasse reste une force vive en France. Ce mouvement, orchestré par la fédération nationale, vise à fédérer ces passionnés autour d’une cause commune. Mais il devra surmonter plusieurs obstacles. Les tensions avec les associations écologistes, les divergences d’opinion entre chasseurs eux-mêmes et la méfiance de certains citadins risquent de compliquer la tâche.
« Il faut lever le ton pour dire qu’on en a marre. La chasse, c’est notre identité, notre lien avec la nature. »
Un président de fédération départementale
Pourtant, l’opération de ce samedi montre une mobilisation sans précédent. Dans des départements comme l’Oise, les distributions de manifestes ont démarré plusieurs jours avant la date officielle, témoignant de l’enthousiasme des chasseurs. Cette dynamique pourrait renforcer leur poids politique, notamment en vue des échéances électorales à venir.
Quel avenir pour la chasse ?
Ce mouvement est-il le début d’une nouvelle ère pour la chasse française ? En revendiquant une place centrale dans la société, les chasseurs cherchent à redéfinir leur image. Ils ne se contentent plus de défendre leurs traditions : ils veulent être perçus comme des acteurs incontournables de la transition écologique et de la préservation des campagnes. Mais pour y parvenir, ils devront dialoguer avec leurs détracteurs et convaincre une opinion publique souvent divisée.
Enjeu | Revendication | Impact potentiel |
---|---|---|
Biodiversité | Restaurer les haies | Préservation du petit gibier |
Régulation | Maintien des ESOD | Protection des cultures |
Sécurité | Police rurale | Surveillance des campagnes |
En attendant, ce 17 mai 2025 restera comme une date clé pour les chasseurs. Leur mobilisation, à la fois symbolique et stratégique, pose une question essentielle : la chasse peut-elle concilier tradition et modernité ? La réponse dépendra de leur capacité à rallier les élus, à dialoguer avec la société et à s’adapter aux défis du XXIe siècle.