Dans un verdict qui ébranle Hong Kong, 45 militants pro-démocratie ont été condamnés mardi à des peines allant jusqu’à 10 ans de prison ferme. Ce procès historique, le plus grand jamais organisé dans l’ex-colonie britannique pour atteinte à la sécurité nationale, jette une lumière crue sur l’érosion des libertés dans la cité.
Une primaire démocratique jugée “subversive”
Le crime de ces militants ? Avoir organisé ou participé à une primaire officieuse en juillet 2020, dans l’espoir de sélectionner les meilleurs candidats de l’opposition pour les législatives. L’objectif assumé était d’obtenir une majorité au Conseil législatif (le “LegCo”), afin de s’opposer aux projets du gouvernement pro-Pékin, voire de contraindre la cheffe de l’exécutif Carrie Lam à la démission. Malgré les mises en garde des autorités, près de 610 000 Hongkongais avaient participé à ce scrutin.
Pour la justice hongkongaise, il s’agissait là d’une tentative de “subversion”, passible de lourdes peines en vertu de la draconienne loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en 2020. Les élections législatives ont finalement été purement et simplement annulées, et le système électoral remanié pour ne laisser quasiment aucune place à l’opposition.
Des peines sévères qui en disent long
Parmi les condamnés figurent certaines des figures les plus respectées du mouvement pro-démocratie, comme les avocats Benny Tai et Margaret Ng, l’universitaire Gwyneth Ho, ou encore l’ancien député Leung Kwok-hung, fondateur de la Ligue des sociaux-démocrates. Tous écopent de peines allant de 4 à 10 ans de prison. Un verdict sans appel, qui sonne comme un avertissement à tous ceux qui oseraient encore défier le pouvoir central.
Les peines prononcées aujourd’hui reflètent la rapidité avec laquelle les libertés civiles et l’indépendance judiciaire de Hong Kong se sont effondrées
Maya Wang, Human Rights Watch
La communauté internationale indignée
De Washington à Canberra en passant par les grandes ONG de défense des droits humains, les réactions outrées n’ont pas tardé. Les États-Unis ont “fermement condamné” ce qu’ils considèrent comme une attaque contre une “activité politique normale”. Pour l’Australie, dont l’un des ressortissants figure parmi les condamnés, il s’agit d’une source de “grave préoccupation”. Un constat partagé par Amnesty ou Human Rights Watch, pour qui ce procès illustre le recul dramatique des libertés à Hong Kong depuis 2019.
Quel avenir pour la démocratie à Hong Kong ?
Après avoir muselé la presse, décapité l’opposition et criminalisé toute forme de dissidence, les autorités pro-Pékin semblent déterminées à faire table rase de décennies de combats démocratiques à Hong Kong. Face à une telle répression, nombreux sont ceux, militants ou simples citoyens, qui choisissent désormais le chemin de l’exil. Pour ceux qui restent, l’espoir d’un retour des libertés semble chaque jour plus ténu. Un constat amer, 26 ans après la rétrocession de Hong Kong à la Chine, qui devait garantir à la ville un “haut degré d’autonomie” pendant au moins 50 ans.
Ce procès restera comme un tournant dans l’histoire politique mouvementée de Hong Kong. Le message envoyé est clair : sous l’empire de la loi sur la sécurité nationale, toute velléité démocratique sera sévèrement réprimée. Un avertissement qui résonne bien au-delà des frontières de la cité, alors que Pékin ne cache plus ses ambitions hégémoniques dans la région. Pour les 7,4 millions de Hongkongais, c’est un pan entier de leur identité et de leurs espoirs qui part en lambeaux. L’ex-colonie britannique, jadis havre de stabilité et de libertés en Asie, semble bel et bien engagée sur la voie d’une “normalisation” accélérée, au rythme des injonctions de Pékin. Un crépuscule démocratique aux allures de point de non-retour.