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20 Soldats Burundais Tués en RDC : La Paix Illusoire

Alors que Tshisekedi et Kagame signaient un « accord de paix » applaudi par Trump, au moins 20 soldats burundais sont tombés en trois jours à la frontière. Kamanyola est aux mains du M23 et Uvira est la prochaine cible. La guerre continue-t-elle malgré les caméras ?

Imaginez : deux chefs d’État qui se serrent la main sous les flashs des photographes à Washington, un accord de paix qualifié de « grand miracle » par le président américain… et, à des milliers de kilomètres, des cercueils qui arrivent discrètement dans la nuit à Bujumbura. C’est la réalité brutale de l’est de la République démocratique du Congo en cette fin d’année 2025.

Un accord de paix déjà caduc avant d’être appliqué

Jeudi, Félix Tshisekedi et Paul Kagame paraphaient solennellement un texte censé mettre fin à des décennies de violence. Moins de quarante-huit heures plus tard, les combats faisaient rage à quelques kilomètres seulement de la frontière commune aux trois pays. L’encre n’avait pas le temps de sécher que le sang coulait déjà.

Dans la plaine de la Ruzizi et sur les hauteurs qui dominent Kamanyola, les armes parlaient plus fort que les diplomates. Et parmi les victimes, des soldats burundais venus prêter main-forte à l’armée congolaise.

Kamanyola, verrou stratégique aux mains du M23

La petite localité de Kamanyola n’a l’air de rien sur une carte. Pourtant, elle concentre aujourd’hui tous les enjeux du Sud-Kivu. Située à la jonction exacte des frontières congolaise, rwandaise et burundaise, elle commande la route d’Uvira et domine la pointe nord-ouest du lac Tanganyika.

Depuis plusieurs jours, le M23 en a fait son objectif prioritaire. Et il l’a prise. Les drapeaux du mouvement rebelle flottent désormais sur les bâtiments publics tandis que l’armée burundaise tente, au prix fort, de contenir la progression vers le sud.

Uvira, dernière grande ville du Sud-Kivu encore sous contrôle gouvernemental, se retrouve directement menacée. Perdre Uvira signifierait offrir au M23 un accès direct au lac et couper pratiquement le Sud-Kivu en deux.

Un bilan lourd côté burundais

Depuis lundi, au moins vingt soldats burundais ont perdu la vie. Leurs corps ont été rapatriés dans la plus grande discrétion à Bujumbura, loin des caméras. Parmi eux, un lieutenant-colonel et trois membres de son escorte, fauchés jeudi soir par une frappe de drone dans la plaine de la Ruzizi.

L’utilisation de drones par le M23 n’est pas nouvelle, mais elle marque une escalade technologique inquiétante. Ces engins, souvent fournis par des réseaux extérieurs, permettent des frappes précises et à distance, rendant la défense particulièrement difficile sur ce terrain vallonné.

« Nous avons subi des pertes, mais nous avons aussi infligé des dégâts importants à l’ennemi. L’avancée est contenue pour l’instant », confie une source militaire burundaise sous couvert d’anonymat.

Des paroles de réconfort dans un contexte où chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles.

Le Burundi déterminé à tenir la ligne

Face à la menace, Bujumbura a envoyé des renforts conséquents. L’objectif est clair : empêcher à tout prix le M23 de progresser jusqu’à Uvira. Perdre cette ville signifierait non seulement une défaite militaire majeure, mais aussi une humiliation politique pour le président Évariste Ndayishimiye, qui a fait de l’engagement aux côtés de Kinshasa une priorité régionale.

Sur le terrain, les soldats burundais se battent aux côtés des FARDC et des groupes d’autodéfense locaux. Une coalition fragile, mais déterminée à ne pas céder davantage de terrain.

L’accord de Washington : symbole ou farce ?

L’accord signé jeudi était pourtant présenté comme une avancée historique. Retrait progressif des troupes étrangères, désarmement des groupes armés, reprise de la coopération économique… Sur le papier, tout y était.

Mais dans les faits, rien n’a changé. Le M23, accusé depuis des années d’être soutenu par Kigali, continue son offensive comme si de rien n’était. Les combats se poursuivaient encore samedi, selon tous les témoignages recueillis sur place.

Comment expliquer un tel décalage entre la diplomatie de salon et la réalité du terrain ? Beaucoup pointent du doigt l’absence de mécanismes de vérification crédibles et le manque de volonté réelle de certains acteurs.

Un conflit enraciné depuis plus de trente ans

Il faut rappeler que l’est de la RDC vit au rythme des violences depuis le génocide rwandais de 1994 et ses conséquences régionales. Plus de 120 groupes armés sévissent encore aujourd’hui dans les seules provinces du Nord et du Sud-Kivu.

Le M23, ressuscité en 2021 après une première défaite en 2013, a profité du vide sécuritaire pour reprendre l’offensive. En quelques mois cette année, il a réussi l’exploit de prendre Goma fin janvier, puis Bukavu en février. Deux capitales provinciales aux mains des rebelles : du jamais-vu depuis la seconde guerre du Congo.

Chronologie express 2025 :

  • Janvier : chute de Goma
  • Février : prise de Bukavu
  • Juin : accord de principe entre Kinshasa et Kigali
  • Jeudi : signature officielle à Washington
  • Samedi : combats toujours en cours à Kamanyola

Les civils, éternelles victimes collatérales

Derrière les communiqués militaires et les poignées de main diplomatiques, ce sont une nouvelle fois les populations qui paient le prix fort. Déplacements massifs, écoles fermées, marchés désertés : la vie quotidienne est devenue impossible dans de vastes zones du Sud-Kivu.

Les habitants de Kamanyola et des villages environnants ont fui par milliers vers Uvira ou vers le Burundi. Ceux qui restent vivent dans la peur permanente des bombardements et des exactions.

Vers une nouvelle escalade régionale ?

L’engagement croissant du Burundi aux côtés de la RDC change la donne. Jusqu’à présent, Bujumbura était surtout présent dans le cadre de la force est-africaine. Aujourd’hui, ses soldats se battent en première ligne et paient un tribut lourd.

Cette implication directe pourrait entraîner une réaction en chaîne. Déjà, des voix s’élèvent à Kigali pour dénoncer « l’agression burundaise ». Le risque d’une confrontation directe entre États voisins n’a jamais paru aussi élevé.

Et pendant ce temps, les grandes puissances regardent ailleurs. L’accord de Washington a beau avoir été célébré comme une victoire diplomatique, il ressemble de plus en plus à un écran de fumée masquant l’impuissance de la communauté internationale.

Dans l’est de la RDC, la guerre continue. Et elle ne semble pas prête de s’arrêter.

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