Ils sont là, parmi nous, et pourtant ils n’existent pas. Pas officiellement en tout cas. Selon un rapport alarmant de l’Unicef publié mardi, quelque 150 millions d’enfants de moins de 5 ans dans le monde sont toujours privés d’identité légale. Invisibles aux yeux des gouvernements et des lois censées les protéger, ces enfants se retrouvent de fait exposés à de multiples risques de violation de leurs droits les plus fondamentaux.
Un fléau invisible qui persiste malgré des progrès notables
Certes, des améliorations ont été constatées ces dernières années en matière d’enregistrement des naissances. Selon les estimations de l’agence onusienne, 77% des enfants de moins de 5 ans ont vu leur venue au monde officiellement déclarée sur la période 2017-2022, contre 75% lors de la précédente évaluation en 2019.
Mais ces progrès, aussi notables soient-ils, ne suffisent pas à juguler l’ampleur du phénomène. Car en pratique, plus de 150 millions de jeunes enfants à travers le globe demeurent non enregistrés et donc de facto inexistants d’un point de vue légal. À ceux-là s’ajoutent plus de 50 millions de nouveau-nés qui, bien que déclarés, ne disposent pas de ce précieux sésame qu’est le certificat de naissance.
Le certificat de naissance, clé d’accès aux droits fondamentaux
Document d’apparence anodine, le certificat de naissance constitue pourtant la base sur laquelle se fonde toute identité légale. Il atteste de l’âge, du nom et de la nationalité de l’enfant, autant d’éléments indispensables pour faire valoir ses droits les plus élémentaires :
- Accès aux soins de santé et à la vaccination
- Inscription à l’école et poursuite d’études
- Protection contre les mariages et le travail des enfants
- Recours à la justice en cas de maltraitance
- Prévention du recrutement de mineurs dans les conflits armés
Sans cette preuve d’identité, les enfants se retrouvent littéralement « invisibles », à la merci des pires dérives et privés de filet de sécurité légal. C’est pourquoi l’Unicef martèle l’urgence d’intensifier les efforts pour garantir l’enregistrement systématique de chaque naissance, partout dans le monde.
« L’enregistrement des naissances assure que les enfants sont immédiatement reconnus par la loi, leur fournissant une protection contre les préjudices et l’exploitation, ainsi qu’un accès à des services essentiels comme les vaccins, les soins de santé et l’éducation ».
– Catherine Russell, Directrice générale de l’Unicef
Afrique sub-saharienne : plus de la moitié des enfants non enregistrés
En tête des zones les plus touchées figure l’Afrique sub-saharienne, qui concentre à elle seule plus de la moitié des enfants « fantômes » au niveau mondial. Seuls 51% des enfants y voient leur naissance enregistrée, soit un total de près de 90 millions de jeunes enfants dépourvus d’existence officielle.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation alarmante, au premier rang desquels :
- Le manque d’information des familles sur les démarches
- L’éloignement géographique des centres administratifs
- Les coûts prohibitifs des procédures
- Et dans certains cas, des discriminations tenaces (genre, ethnicité, religion…)
Au-delà de ces obstacles pratiques, c’est aussi parfois l’absence de volonté politique qui fait défaut, comme le pointe du doigt le rapport de l’Unicef. Un constat qui appelle une mobilisation internationale renforcée pour faire de l’enregistrement universel et gratuit des naissances une priorité absolue.
Chaque enfant compte : un impératif éthique et juridique
Au-delà des chiffres vertigineux, ce sont autant de vies et de destins individuels qui se jouent derrière cette invisibilité administrative. Car sans reconnaissance légale, ces millions d’enfants se voient privés des droits les plus fondamentaux pourtant garantis par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
C’est toute une génération qui grandit ainsi en marge des systèmes de protection, livrée aux risques d’exploitation, de maltraitance et de déscolarisation. Une tragédie humaine autant qu’un défi pour le développement et la stabilité de sociétés entières.
Face à l’ampleur de ce fléau invisible, l’heure n’est plus aux demi-mesures. Il en va de notre responsabilité collective de tout mettre en œuvre pour que chaque naissance soit déclarée et chaque enfant reconnu dans sa dignité propre. Car comme le rappelle avec force la directrice de l’Unicef :
« Malgré des progrès, trop d’enfants restent non comptabilisés (…), de fait invisibles aux yeux du gouvernement et de la loi ».
– Catherine Russell, Directrice générale de l’Unicef
Un constat sans appel qui doit tous nous interpeller et nous pousser à l’action. Car dans un monde où chaque vie devrait compter, il est intolérable que des millions d’enfants soient ainsi rendus invisibles par simple carence administrative. Tâchons de leur redonner un visage, une identité, une existence pleine et entière. C’est un impératif à la fois éthique, juridique et humain.