Imaginez un instant : 1.500 personnalités du cinéma, des noms aussi prestigieux qu’Olivia Colman, Javier Bardem ou Tilda Swinton, décident de tourner le dos à une industrie entière. Leur geste n’est pas anodin : ils refusent de collaborer avec des institutions cinématographiques israéliennes, accusées d’être complices d’un conflit dévastateur à Gaza. Ce mouvement, porté par une lettre publiée récemment, secoue le monde du cinéma et soulève une question brûlante : peut-on rester neutre face à une crise humanitaire d’une telle ampleur ? Plongeons dans cet engagement sans précédent, inspiré par l’histoire et porté par une volonté de justice.
Un boycott cinématographique historique
Ce boycott, initié par le collectif Film Workers for Palestine, s’inspire directement d’un précédent marquant : le boycott culturel contre l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. À l’image des Filmmakers United Against Apartheid, ces 1.500 professionnels du cinéma, parmi lesquels des réalisateurs comme Yorgos Lanthimos et des acteurs comme Mark Ruffalo, appellent à cesser toute collaboration avec des institutions israéliennes accusées de soutenir ou de justifier ce qu’ils qualifient de « génocide » à Gaza. Leur démarche ne vise pas les individus, mais les structures institutionnelles qu’ils jugent complices.
Ce choix radical s’inscrit dans un contexte de tensions internationales exacerbées. Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, qui a causé la mort de 1.219 personnes en Israël, majoritairement des civils, la réponse militaire israélienne à Gaza a fait plus de 64.368 victimes, principalement des femmes et des enfants, selon les chiffres du ministère de la Santé de Gaza. Ces chiffres, jugés fiables par l’ONU, illustrent l’ampleur de la tragédie qui motive cet appel au boycott.
Pourquoi ce boycott ?
Les signataires de la lettre, publiée dans un grand quotidien britannique, dénoncent le silence de nombreuses institutions cinématographiques israéliennes face aux violations des droits internationaux des Palestiniens. Selon eux, des festivals comme celui de Jérusalem ou Docaviv, spécialisé dans les documentaires, continuent de collaborer avec le gouvernement israélien, malgré les accusations de complicité dans le conflit. Ce silence, perçu comme une forme de déshumanisation, est au cœur de leur révolte.
« Nous répondons à l’appel des cinéastes palestiniens, qui ont exhorté l’industrie cinématographique internationale à refuser le silence, le racisme et la déshumanisation. »
Extrait de la lettre des 1.500 signataires
Leur engagement ne se limite pas à une prise de position symbolique. Concrètement, ils refusent de participer à des festivals, de collaborer avec des sociétés de production ou de distribution, ou encore de projeter leurs œuvres dans des cinémas israéliens qui, selon eux, ne reconnaissent pas pleinement les droits des Palestiniens. Ce boycott cible donc des institutions précises, et non les citoyens israéliens en tant qu’individus.
Un écho à l’histoire de l’apartheid
Le parallèle avec l’apartheid sud-africain n’est pas choisi au hasard. Dans les années 1980, des artistes du monde entier avaient refusé de se produire en Afrique du Sud pour protester contre le régime ségrégationniste. Ce boycott culturel, porté par des figures comme Steven Van Zandt et son projet Artists United Against Apartheid, avait contribué à isoler le régime sud-africain sur la scène internationale. Les cinéastes d’aujourd’hui s’inscrivent dans cette lignée, utilisant leur influence pour dénoncer ce qu’ils perçoivent comme une injustice systémique.
Ce choix est d’autant plus significatif que le cinéma, en tant qu’art, a toujours été un vecteur de messages politiques et sociaux. Des films comme District 9 ou Invictus ont montré comment le cinéma peut refléter des luttes contre l’oppression. En refusant de collaborer avec des institutions qu’ils jugent complices, ces 1.500 professionnels cherchent à faire du cinéma un outil de résistance.
Les institutions visées
Quelles sont ces institutions dans le viseur des signataires ? Parmi elles, des festivals renommés comme le Festival du film de Jérusalem ou Docaviv sont pointés du doigt pour leurs liens présumés avec le gouvernement israélien. Selon les signataires, ces structures n’ont jamais reconnu pleinement les droits des Palestiniens, une omission qu’ils jugent inacceptable. Mais le boycott ne s’arrête pas là : il englobe aussi les sociétés de production, les distributeurs et même certains cinémas israéliens.
Les institutions visées incluent :
- Festivals collaborant avec le gouvernement israélien.
- Sociétés de production et de distribution cinématographique.
- Cinémas accusés de soutenir des politiques controversées.
Ce choix de viser des institutions plutôt que des individus est crucial. Les signataires insistent : leur combat n’est pas dirigé contre les Israéliens en tant que personnes, mais contre des structures qu’ils accusent de soutenir un système oppressif. Cette distinction, bien que subtile, est essentielle pour comprendre la portée de leur engagement.
Un mouvement qui gagne du terrain
Ce boycott n’est pas un cas isolé. Depuis octobre 2023, plusieurs initiatives similaires ont vu le jour. Par exemple, le collectif italien Venice4Palestine a recueilli 2.000 signatures, dont celles de réalisateurs comme Guillermo del Toro et Ken Loach, pour demander à la Mostra de Venise de prendre position contre les actions d’Israël. De même, à Cannes, une pétition signée par 900 personnalités, dont Juliette Binoche et Pedro Almodóvar, a dénoncé le « silence » face à la situation à Gaza.
Ces initiatives montrent que le monde de la culture, du cinéma à la littérature, se mobilise de plus en plus. Mais elles soulèvent aussi des questions : jusqu’où peut aller un boycott culturel ? Et quelles en seront les conséquences pour l’industrie cinématographique israélienne ?
Les défis d’un boycott culturel
Un boycott culturel, aussi symbolique soit-il, n’est pas sans risques. D’un côté, il peut attirer l’attention sur une cause et amplifier les voix des opprimés, comme ce fut le cas en Afrique du Sud. De l’autre, il peut marginaliser des artistes israéliens qui ne soutiennent pas nécessairement les politiques de leur gouvernement. Certains critiques estiment que ce type d’action pourrait accentuer les divisions plutôt que favoriser le dialogue.
Pourtant, les signataires semblent convaincus que le silence n’est plus une option. Leur démarche s’appuie sur l’idée que l’art, et en particulier le cinéma, ne peut rester neutre face à l’injustice. En boycottant des institutions, ils espèrent pousser ces dernières à revoir leurs positions et à s’engager pour les droits des Palestiniens.
L’impact potentiel sur l’industrie cinématographique
Ce boycott pourrait avoir des répercussions importantes. Les festivals comme Docaviv ou celui de Jérusalem, qui attirent des talents internationaux, pourraient perdre en visibilité et en prestige si des figures majeures du cinéma refusent d’y participer. De même, les sociétés de production israéliennes pourraient voir leurs opportunités de collaboration internationale diminuer, affectant leur rayonnement.
Voici quelques impacts possibles :
- Visibilité réduite : Les festivals boycottés pourraient perdre leur attrait international.
- Collaborations limitées : Les sociétés de production israéliennes pourraient manquer de partenaires étrangers.
- Prise de conscience : Le boycott pourrait encourager un débat plus large sur le rôle des institutions culturelles.
Mais l’impact le plus significatif pourrait être symbolique. En mettant la pression sur ces institutions, les cinéastes espèrent envoyer un message clair : l’industrie du cinéma ne peut plus ignorer les appels à la justice lancés par les Palestiniens.
Une solidarité internationale grandissante
Ce mouvement s’inscrit dans une vague plus large de solidarité avec la Palestine. Depuis octobre 2023, des artistes de divers horizons – cinéma, musique, littérature – ont multiplié les prises de position. Ces initiatives, qu’il s’agisse de pétitions ou de boycotts, montrent que le monde culturel refuse de rester en marge du débat. Mais elles soulignent aussi la complexité du conflit, où chaque geste, même symbolique, peut être interprété de multiples façons.
Pour les cinéastes palestiniens, ce soutien international est une lueur d’espoir. Leur appel à refuser le silence a été entendu, et des figures comme Ava DuVernay ou Riz Ahmed amplifient leur voix. Reste à savoir si ce boycott parviendra à changer la donne, ou s’il restera un geste symbolique dans un conflit aux ramifications complexes.
Et après ?
Ce boycott, bien que controversé, marque un tournant dans la manière dont le cinéma s’engage dans les luttes politiques. Il rappelle que l’art n’est jamais neutre et que les artistes, par leurs choix, peuvent influencer le débat public. Mais il pose aussi une question essentielle : comment concilier engagement et dialogue dans un conflit aussi polarisé ?
Pour l’instant, les 1.500 signataires ont choisi leur camp : celui de la solidarité avec les Palestiniens. Leur geste, inspiré par l’histoire et porté par des convictions profondes, pourrait redessiner les contours de l’industrie cinématographique. Reste à voir si d’autres secteurs culturels suivront leur exemple, ou si ce boycott restera une voix isolée dans un monde divisé.